« Il faut plafonner les tarifs »
Opposant de la première heure à la privatisation des autoroutes, Nicolas Dupont-Aignan prône une renationalisation des sociétés concessionnaires. L’animateur du mouvement Debout la République se montre virulent avec ces groupes qui asphyxient les PME. Entretien.
L’Officiel des Transporteurs Magazine : quel est, avec le recul, votre sentiment sur les conséquences de la privatisation des autoroutes ?
Nicolas Dupont-Aignan : En 2005, j’avais avec quelques autres dénoncé une privatisation visant à boucler les fins de mois de l’Etat (soucieux de complaire à Bruxelles et à son Pacte de Stabilité). Je m’étais inquiété de la faiblesse du prix de cession et des conséquences néfastes à attendre en matière d’augmentations des péages, comme de sous-investissement. Je constate simplement aujourd’hui, ainsi que la Cour des Comptes l’a elle-même admis, que ces craintes étaient fondées. A dire vrai, il n’était pas besoin d’avoir inventé l’eau chaude pour anticiper de pareils effets, le plus grave étant à l’inverse que les médias se soient à ce point tus.
Que préconisez-vous dans ce contexte de hausse qui touche à la fois les entreprises de transport et les automobilistes ?
N.D.A. : Sur ce point, je n’ai pas varié en quelques années : je suis pour la renationalisation au moins partielle des sociétés exploitant les autoroutes. Tout d’abord parce que la sphère privée, toujours plus aveuglée par la recherche de l’argent facile, est en train de faire la preuve de son incapacité à gérer raisonnablement des missions d’intérêt général. Plutôt que de tomber dans la poche d’actionnaires, qui encore une fois n’en ont pas vraiment besoin, le produit des péages autoroutiers doit intégralement servir à entretenir et étendre ce réseau d’importance stratégique pour la France. Ensuite, lorsque ce réseau sera achevé, il faudra abaisser les péages uniquement pour l’entretien, en mettant en place une taxe universelle au kilomètre (quelle que soit l’autoroute empruntée, le coût devra être identique au kilomètre parcouru). Il s’agit ici de garantir aux citoyens de la République française une totale liberté de circulation sur le territoire et faire de l’argent sur les usagers revient purement à simplement à rétablir les barrières d’octroi d’Ancien régime que la Révolution de 1789 avait heureusement abolies.
Votre position sur la hausse programmée de la redevance domaniale que doivent acquitter les sociétés d’autoroute ?
N.D.A. : Je n’éprouve aucune confiance dans la petite cuisine techno-communicationnelle qui enrobe la privatisation des autoroutes et ne vise, finalement, qu’à convaincre l’opinion publique de sa pertinence. 70 % des Français s’étaient dits complètement hostiles à cette privatisation il y a trois ans et il est plus que probable que peu d’entre eux ont changé d’avis depuis. Quant à la hausse de la redevance domaniale, toute la question est de savoir si les sociétés concessionnaires vont baisser leurs marges ou augmenter leurs tarifs…
TLF réclame la mise en place d’un organe de régulation des tarifs ? Qu’en pensez-vous ?
N.D.A. : Avant tout, il faut sévèrement plafonner les tarifs des péages, voire les abaisser. De même, il faut mettre un terme aux abus consistant à augmenter les tarifs des tronçons les plus fréquentés. Assez des rentes de situation accordées à des monopoles privés !
Êtes-vous en fait favorable à une intervention plus forte de l’État sur la question ?
N.D.A. : L’Etat donne le sentiment d’agir massivement. Mais en réalité, il le fait trop peu et trop tard. Ce que je crois, c’est qu’il s’enlise dans une coupable timidité, due à son respect trop grand des dogmes bruxellois et des règles de fer du marché unique.
Les organisations patronales du TRM réclament le remboursement des 200M de trop perçu par les sociétés d’autoroute, enveloppe liée à la fois à la hausse des tarifs et à la baisse des réductions consenties par ces mêmes sociétés d’autoroute. Cette demande vous paraît-elle légitime ?
N.D.A. : Si l’argument est totalement justifié, je ne vois pas pourquoi il n’en irait pas ainsi. Le secteur du transport routier paye déjà une très lourde facture à l’actuelle construction européenne. Il est temps de rééquilibrer tout cela, d’empêcher que des multinationales s’engraissent sur des PME, de compenser le dumping fiscal et social des nouveaux pays de l’UE et de remettre à leur place les institutions eurocratiques non élues qui imposent aux peuples leurs politiques de dictat.
PROPOS RECUEILLIS PAR SLIMANE BOUKEZZOULA